I – Le deuil, la mémoire, l’intime. Des lieux communs. Et pourtant.
Certains diront que la mythographie trop souvent consommée par les artistes pour parler d’eux n’est pas chose nouvelle. De plus la prétention de Mélanie Fontaine d’exposer un ressenti en laissera plus d’un pantois. Et c’est bien là la force de ce travail. Faire parler. Toucher l’individu dans ce qu’il a de plus sombre. Non pas avec sa propre histoire, mais bien avec nos mémoires. Celle d’un collectif. Car si l’art fait critique, c’est bien qu’il happe les êtres. Trop vérace pour être dit, la jeune artiste préfère se taire et les donner à voir. Ce sont ces fragments d’êtres coincés dans leurs espaces circonscrits par une frontière obscure qui deviennent pour nous des prélèvements d’une réalité monstrueuse et figée. Toutefois ne nous arrêtons pas à cette seule définition. Celle convenue et établie qu’on apprend quand on est petit. Le monstrueux n’est pas laid. Il se montre. Et ce sont ces conceptions enfantines souvent trop étroites et associées de façon erronée à des concepts funèbres que l’artiste fige autrement dans ses cadres. Ce sont nos mémoires communes qui sont contenues dans ces caissons illuminés. Rien d’autre.
II – La perte.
Celle d’un fragment d’un discours amoureux, associé au temps perdu. Celle de l’être « chaire » effacé par le temps. Bercées par une lumière qui parfois s’éveille puis s’éteint comme un souvenir ou se fixe simplement, les installations de Mélanie Fontaine figent pour quelques instants notre présent pour mieux nous rappeler au passé. Marquée par le mécanisme du temps cette perte de l’autre si douloureuse devient tout à coup délicate et poétique. Alors plutôt que de la frustrer en la niant, regardons la briller derrière ses parois de résine pour à notre tour la narguer. Car si elle est vue, elle sera comprise et plus douce. Et puis que risquons nous ? Elle est prise au piège. A présent inoffensive coincée dans ses cadres et exposée à tous.
III – L’autre.
Le corps. Chaire de l’être fragmenté par le temps, photographié, à peine évoqué et bien moins perceptible. C’est cette trace épidermique et spirituelle qui se répand sur les murs de l’exposition. Sublimé à nouveau par une lumière diffuse, le corps de l’autre demeure vivant. Et si la photographie fige et lisse le corps, la résine elle lui redonnera sa matière. A présent, il ne s’agira plus d’une mémoire d’un corps photographié et poli, mais bien d’une réalité prélevée toute entière. Comme si l’image photographique ne suffisait plus au souvenir, la lumière et l’étrange transparence de la matière en relief viendront à leur tour compenser cette perte pour mieux ramener à la vie et combler le manque.Nous montrer ses lieux communs ? Non, il en serait trop facile. L’artiste met à jour et en lumière ce qui sous tend les êtres. Leur mémoire construite de souvenirs indicibles. Celle qui de l’individuel passe collectivement par le regard.
Djaai Gregory
I – Mourning, memory, intimacy. Platitudes. And yet.
Some says that too often consumed by mythography, artists who talk about themselves is not something new…
On the other hand, any Melanie Fontaine’s claim to express an introspective feeback on her work will leave more than one speechless.
And therein lies the strength of this work, To let others talk about it, to affect the individual whitin its darkness. Not with his own story, but with our collective memory, art is controversial, and that’s because it reaches human’s souls. Too truthful to be told, the young artist prefers to keep quiet and give them to see.
These are fragments of beings trapped in their own spaces, circumscribed by an obscure boundary, sampled to a monstrous and rigid reality. However do not stop at this definition. Agreed and established that you learn when you are small. The monster is not ugly. It can be shown. And these are often too narrow childish conceptions and incorrectly associated with funeral concepts that the artist is framing differently.
These are our common memories in those illuminated boxes.
Nothing else.
II – Loss.
The loss of a love conversation, associated with its spent time, the loss of the loved one faded by time. Rocked by a light that sometimes wakes up, froze, or goes away like a souvenir, Melanie Fontaine installations freeze our present to better remember our past. Marked by the painful time mechanism, this loss of the other suddenly becomes delicate and poetic. So rather than frustrate it by denying it, let it shine behind its dark walls in order to taunt it.
Because if it is seen, it will be understood and softened.
And then what do we risk? It is trapped: an harmless present trapped in its frame and exposed to all.
III – The other.
The human envelope, flesh of our past fragmented soul, photographed, slightly referred to and far less perceptible, this is this epidermal and spiritual mark that is shown. Newly Revealed through a soft light, the body of the photographed being breathe life. Photography froze and softens, but resin gives it back its texture and as a result it won’t be the pictured memory of a body but a whole reality sampled. As if the image wasn’t enough as memory, the light and texture of the resin will come to complete this lack of life in the photography. The artist shows what does link every human being. Their memory builds from inexpressible souvenirs, those of the one self, which collectively spread by looking at.
Djaai Gregory